Aujourd’hui encore en Argentine, personne ne s’accorde sur une définition du péronisme (socialisme de droite, autoritarisme social…) et la société est divisée sur le fait de savoir s’il faut ou non tourner la page du péronisme/kirchnerisme. Le paysage politique, bien que penchant un peu plus à gauche qu’en France, est assez changeant au fil des élections, il n’y a pas un bipartisme fort et ancré comme en France ou aux Etats-Unis. Mais s’il y a bien un ex-président qu’il est facile de catégoriser pour les Argentins (dans la case “ultra-libéral”), c’est Carlos Menem. Et ses actions passées continuent de diviser les Argentins. Retour sur l’homme et sa carrière
Carlos Menem (à droite) avec l’ex-président brésilien Collor de Mello (au centre) – Flickr IAEA Imagebank
La route vers la présidence
Né en 1930 de parents immigrés syriens dans la province de la Rioja, Menem étudie le droit à l’Université de Córdoba. Il devient rapidement militant politique, en faveur de Juan Perón puis du Parti Justicialiste. A 43 ans, en 1973, il est élu Gouverneur de la Rioja, sa province natale. Cependant, il fait parti des victimes du coup d’Etat de Videla en 1976 et est assigné à résidence à partir de 1981, jusqu’au retour à la démocratie en 1983, où il retrouvera son poste.
Au pouvoir, Menes incarne la décennie ultra-libérale du pays
En 1988, il remporte les primaires au sein de son parti, le Parti Justicialiste, en vue de l’élection présidentielle de 1989. Il est finalement élu président de la République Argentine le 14 Mai 1989 avec 47% des votes, face à Eduardo Angeloz du parti de l’Union Civil Radicale. Il est élu dans un contexte économique très difficile, de récession et d’hyperinflation.
Photo officiel du Président Menem en fonction – Wikipédia
Carlos Menem incarne donc alors le médecin de l’économie national, qui avec sa valise de remèdes libéraux (privatisation des entreprises publiques, instauration d’une convertibilité pesos/dollar, allégement du secteur public, privatisation des retraites…) redonne une nouvelle vitalité au pays. Même si le chômage ne diminue pas beaucoup, cette politique fonctionne dans un premier temps : la croissance revient, l’inflation redescend à des taux acceptables (elle passe de 2075% (!) en 1990 à 133% en 1991 et à 11,9% en 1992 source). Les investissements étrangers affluent de nouveau massivement.
Mais la situation sociale du pays n’évolue pas dans le même sens : les inégalités se creusent énormément. Pendant la décennie, les classes aisées et moyennes supérieures accèdent à un bon niveau de vie, en particulier à Buenos Aires où l’on se rapproche d’une qualité de vie occidentale, mais les “laissés pour compte” se comptent par millions. Avec le développement du crédit à la consommation, les ménages s’endettent fortement, et le pays est soumis au “diktat de Washington”, c’est à dire aux mesures élaborées et imposées par le FMI à l’Argentine à travers des PAS, plans d’ajustement structurel, qui poussent le pays à se libéraliser et à s’ouvrir au commerce international.
Quoi qu’il en soit, le pays se libéralise, entre dans la mondialisation et développe ses échanges avec les autres pays du monde. De manière générale cette politique est créatrice de richesse et bénéfique au pays. Seulement, la répartition des richesses qui en découle est très inégale et beaucoup déclarent désormais que la crise économique et sociale de 2001 découle directement de la politique menée par Menem.
En matière de politique internationale, Menem participe à la création du Mercosur avec le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay en 1991.
Polémiques et scandales
Carlos Menem est aussi un président qui divise car il est au coeur de nombreux scandales et polémiques :
– Il a amnistié de nombreux officiers qui avaient eu d’importantes responsabilités lors de la dictature militaire de Videla.
– Il a modifié la constitution pour pouvoir exécuter un deuxième mandat consécutif et a nommé des juges qui lui étaient favorables dans diverses cours de justice, donc la Cours Suprême.
– On lui reproche beaucoup sa gestion trouble et son interventionnisme auprès de la justice lors de l’enquête de l’attentat de l’AMIA.
– Il a vendu des armes à la Croatie et à l’Equateur pendant sa présidence alors que ces deux pays étaient sous embargo international. Pour cela, il a été condamné en Juin 2013 à 7 ans de prison pour trafic d’armes.
Bien que désormais âgé de plus de 80 ans, Carlos Menem continue d’apparaître régulièrement dans l’actualité argentine, que ce soit pour parler de sa présidence (les Kirchners déconstruisent un peu, à tord ou à raison, son héritage libéral) ou pour parler de sa situation actuelle (il continue de s’engager dans divers mouvements politiques)
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