La dictature militaire a été une période sombre (1976-1983) dans l’histoire argentine. Des décennies ont passé, mais le pays porte encore le deuil de ces milliers de victimes.
Un peu partout, de nombreux symboles rappellent aux argentins ces « années noires » : des plaques placées sur les trottoirs du quartier de Palermo, à Buenos Aires, mentionnent les noms de ceux qui ont vécu là avant d’être enlevés durant la dictature militaire. Plus au nord, dans le Parque de la Memoria, on peut voir un immense monument qui mentionne les noms des disparus de la dictature. Il se trouve symboliquement face à l’estuaire du Rio de la Plata, dans lequel étaient jetés les prisonniers encore vivants. Durant les sept années de répression, on dénombre 30 000 morts et disparus mais seulement 400 corps ont été identifiés.
En Argentine, les traces de la répression sont partout mais on n’en parle ouvertement que depuis très récemment : « Nous n’avons pas pu en parler pendant de nombreuses années. Je crois que la société est désormais consciente, même si les militaires, eux, n’expriment pas de remords », explique Ana Maria Careaga, directrice de l’institut Espace de Mémoire de Buenos Aires (ESMA).
Que s’est-il passé durant les années sombres ?
Le coup d’Etat militaire de 1976, dirigé notamment par le général Jorge Videla, marque la fin du gouvernement d’Isabel Peron et le début de la dictature en Argentine. Commence alors une répression contre les « ennemis de la nation ». Les opposants au régime sont arrêtés violemment, torturés puis jetés dans le Rio de la Plata ou enterrés dans l’anonymat, souvent dans des fosses communes.
Vient ensuite le « processus de réorganisation nationale », comme l’ont qualifié les dirigeants. De grands mots pour un réalité triviale : on supprime alors toute personne qui pense différemment et qui le fait savoir. Dans un contexte de guerre froide, les militants de gauche sont bien-sûr les plus persécutés, mais tout autre milieu favorable à la réflexion et au débat était visé : on persécute alors également les jeunes travailleurs, les étudiants et les intellectuels.
Dès 1977, l’association des Mères de la place de Mai commence ses marches silencieuses. Ces mères de disparus, foulard blanc sur la tête, se retrouvent tous les jeudis sur cette même place devant le palais présidentiel, pour manifester au nom de la justice et de la vérité.
Mères de la Place de Mai – Photo : Bertrand Mahé
Un autre type de disparitions a également marqué les Argentins : des bébés ont été enlevés à leurs familles pour être donnés à des familles de militaires. Ces adoptions illégales continuent à faire scandale encore aujourd’hui.
La défaite contre le Royaume-Uni durant la guerre des Malouines accéléra la chute du régime dans les années 1980.
Depuis 2005, une série de procès a commencé contre les principaux responsables de ces massacres et plusieurs d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Ces procès sont une étape essentielle au processus de deuil auquel sont confrontés les Argentins.
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