C’est en 1999, à près de 6740 mètres d’altitude, que l’incroyable découverte a eu lieu. Là, 500 ans après leur sacrifice par les Incas, 3 momies d’enfants sont retrouvées quasiment intactes, conservées par les glaces, au sommet du Cerro Llullaillaco, le deuxième volcan le plus haut du monde, situé dans la Cordillère des Andes, par Johan Reinhard et son équipe d’archéologues.

Photo :  Tures EVT

Un incroyable témoin des rituels Incas

Cette découverte a permis de figer dans le temps une partie de l’histoire et des traditions Incas. En seulement 100 ans d’histoire, cette civilisation précolombienne du groupe andin, née au XIIe siècle à Cuzco, au Pérou, s’est développée sur plus de 4000 km, couvrant la Colombie jusqu’à l’Argentine et le Chili, par delà l’Equateur, le Pérou et la Bolivie. Cet empire, dont l’une de grandes particularités est d’avoir su intégrer dans une organisation étatique originale près de 12 millions de sujets culturellement très hétérogènes, fut conquis par les Espagnols à partir de 1532.

Les sacrifices

Les sacrifices d’enfants faisaient partie de la stratégie d’unification. Car considérés comme plus pur que les adultes. Les enfants étaient offerts en offrande aux Dieux et incarnaient les ambassadeurs du peuple dans l’au-delà, vivant parmi les Dieux pour l’éternité. Souvent, les familles offraient donc d’elles-mêmes un enfant pour le prestigieux sacrifice, qui avait lieu au cours de grandes cérémonies. Brûlés vifs, assommés ou enterrés vivants, les enfants étaient ensuite profondément déifiés. Cependant, ces sacrifices étaient plutôt rares, d’après les témoignages parvenus des conquistadors espagnols.

Photo : Doncella, l’une des momies

Les 3 momies de Llullaillaco

Sur le visage des 3 enfants retrouvés, incroyablement conservés depuis 500 ans, on peut lire la sérénité. Le garçon, âgé de 6 ou 7  ans, porte une tunique et des sandales destinées à l’accompagner dans son long voyage. Les deux fillettes qui l’accompagnent, l’une d’environ 13 ans porte une coiffe de laine et de plumes. Et la deuxième que l’on surnomme la Niña del Rayo (parce qu’elle fut frappée par la foudre après sa mort), est âgée de 8 ans et porte des fortes traces de brûlure. A côté de chacun des trois enfants, placés dans des niches enfouies dans le sol, se trouvaient des figurines, de petites statuettes, des feuilles de coca et autres objets précieux et sacrés aux yeux des Incas.

Les circonstances de leur mort

Revenons rapidement sur les circonstances de leur mort. Sélectionné un an avant le rituel final pour être sacrifiés. Ces enfants ont donc pris part à de nombreux rituels pendant toute cette année. Nous en connaissons un peu plus grâce aux prélèvements effectués par les scientifiques. Ils ont eu ainsi une alimentation digne des plus hauts dignitaires incas. De la viande de lama séchée notamment ou encore des feuilles de coca qu’ils consommaient pour les rituels.

La Capacocha

A l’époque, ces enfants “élus”, fêtaient la “Capacocha“. Une immense fête à Cuzco célébrée en leur honneur avant de partir pour les hautes montagnes des Andes, destinée à devenir leur tombeau. Nos trois enfants ont ainsi fait un périple de 1600 kilomètres.

Accompagnés par des prêtres de la lumière et des membres de leur famille pour leur donner la force de continuer. Arrivés sur place, les enfants étaient largement drogués à la feuille de coca (pour les aider à supporter l’altitude). Ils devaient également consommer du Chicha, une bière de maïs. Afin qu’ils s’endorment sans douleur. Les enfants du volcan Llullaillaco, de plus de 6700 m d’altitude ont été retrouvés en position assise. Ils sont sûrement mort d’hypothermie, pendant leur dernier sommeil.

Cependant, ces rites, à première vue horribles, étaient à l’époque considérés comme des grandes marques d’honneur. Les enfants ainsi élus devenaient des dieux. Ils étaient des symboles de pureté et se chargeaient de protéger leur peuple, du haut de leurs demeures sacrées.

Le musée de Llullaillaco

Cette incroyable découverte est retracée au musée archéologique « Alta Montana », à Salta. 

La polémique du pillage de tombe

Attention néanmoins lorsque vous évoquez cette affaire. En effet, la communauté Kollas qui sont les indigènes héritiers des Incas n’ont vraiment pas apprécié l’exhumation de ces enfants. En effet, pour eux, les hauts sommets des Andes renferment les cimetières de leurs ancêtres et les profaner relève d’un manque de respect à l’égard de leur histoire.

L’expédition de 1999

Plus encore, l’expédition de 1999 a été loin de faire l’unanimité parmi les scientifiques qui y ont pris part eux-mêmes. En effet, il n’était prévu officiellement que de faire de la reconnaissance pour s’assurer que les pilleurs de tombe n’avaient pas saccagé les lieux. Finalement lorsqu’une partie de l’équipe se met à creuser à 6700 mètres d’altitude (bien trop haut, même pour un pilleur très courageux et cupide), un schisme se crée au sein de l’expédition.

Cependant, certains ne voulaient pas revenir bredouilles de l’une des expéditions archéologiques les plus hautes du monde et donc très coûteuse. Tandis que d’autres ont l’impression d’avoir été trompés et décident de redescendre plutôt que de déterrer les cadavres enfermés dans leur prison de glace. La polémique est d’autant plus forte que, se trouvant face à un cas inédit de conservation quasi parfaite des cadavres, les modalités de conservation des corps après rapatriement à Salta n’étaient pas du tout à la hauteur et les momies ont été très abîmées.

L’exposition des corps

Par ailleurs, dernier point qui fait débat. L’exposition des corps. En effet, la polémique a repris de plus belle en 2013 lorsque la Présidente Kirchner a parlé de déplacer les momies aux États-Unis pour une exposition argentino-américaine.

Cette déclaration a provoqué un tollé dans les communautés indigènes. Pour elles, pas question de sortir ces corps de Salta maintenant. Aujourd’hui, un accord tacite existe. Les enfants de Llullaillaco restent au musée de Salta mais en échange, aucune nouvelle expédition pour exhumer des corps des cimetières d’altitude ne doit être intentée.

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