Au XIXe siècle c’est dans les bas-fonds de Buenos Aires que le Tango voit le jour. Son essence naît dans les maisons closes où il est destiné à faire patienter les clients! Populaire le Tango est une danse qui se destine à l’époque à la gente masculine car au temps de la colonisation européenne, la vague d’immigration est majoritairement constituée d’hommes venus faire fortune sur les terres argentines.
Tango : Pixabays
Le tango : un genre musical original
Il est très difficile de dater l’apparition du tango. L’appellation de tango comme véritable genre musicale apparaît au XIXème siècle mais la musique existait déjà bien avant. En revanche, l’origine géographique du tango est bien connue puisqu’il s’agit du Rio de la Plata, c’est-à-dire l’estuaire formé par les fleuves Uruguay et Parana dont on reconnaît très facilement l’influence musicale. La ville reine, où s’est réellement développé le tango reste néanmoins incontestablement Buenos Aires, et plus spécifiquement ses bas quartiers. La chanson « La Coqueta » est la première à avoir été désignée par le terme tango dans la presse écrite argentine en 1866. Toutefois, il apparaît que le véritable premier tango à succès sera « El Merengue » dix ans plus tard. Ce dernier n’est pas sans rappeler les musiques africaines des communautés noires qui étaient, à l’époque, esclavagisées par les colons européens. Le premier compositeur à avoir enregistré une partition de tango, Rosendo Mendibazal, faisait d’ailleurs partie de cette communauté afro-américaine, étonnant non ?
À l’origine du tango dansé : un métissage entre blancs et noirs
Au début du XIXème siècle, beaucoup de populations africaines, victimes du commerce triangulaire vivent en Argentine. Se confrontent alors deux univers : celui des maîtres européens (comme on dit en Amérique Latine : « Les Mexicains descendent des Aztèques, Les Péruviens descendent des Incas, et les Argentins descendent… du bateau. ») qui ont importé avec eux leurs danses de salon : Polka, Mazurka, ou encore valse et celui des esclaves noires pour qui la danse est un moyen d’expression artistique important face à la tyrannie des maîtres. Découvrant ces étranges danses de couples, les populations noires commencent rapidement à les reprendre en y incorporant des pas et des techniques de leurs danses traditionnelles. Les maîtres européens, pour se moquer de leurs esclaves ont alors commencé à singer ces curieuses danses, formées de l’union de deux cultures frontalement opposée. S’ils avaient su que le résultat serait, en 2014 inscrit au patrimoine immatériel mondial de l’UNESCO et serait l’un des symboles de l’Argentine !
Selon beaucoup d’experts, l’origine même du terme de “tango”, provient très certainement de cette époque coloniale : En langue kongo, tango signifie un lieu sacré où l’on danse, puis par extension, les tambours utilisés pour la musique. Le tango est aussi le nom du lieu dans lequel les négriers parquaient leurs esclaves. Le développement du tango s’est donc fait par un jeu de ping pong entre les communautés blanches et noires d’Amérique Latine, et cela est visible jusque dans l’origine du terme “tango”.
El Cachafaz, considéré comme le meilleur danseur de tango de tous les temps – wikipedia
Le tango, une arme de séduction ?
De ces singeries, le tango commence progressivement à naître comme une véritable danse, dans les bas-fonds de la société porteña, dans un premier temps, au début du XXème siècle. Il se transforme même en arme de séduction pour les hommes. En effet, à cette époque de colonisation, les femmes se font rares en Argentine (1/3 de la population seulement), les hommes s’entraînent donc à danser le tango entre eux. Le but du tango pour ces hommes est de parvenir à séduire les femmes, et plus spécifiquement les courtisanes qui à l’époque, sont les seules femmes à accepter cette danse que la majorité des gens trouvent dégradante et vulgaire. Dans les bordels de l’époque, les hommes doivent donc acheter des jetons de passe. Chaque jeton laisse droit à un tango avec une prostitué qui, par la suite, choisit parmi les danseurs celle qu’elle veut récompenser en lui offrant un moment intime. Vous comprendrez donc l’importance pour les hommes de s’exercer entre eux ! (On parle même plus souvent de milonga que de tango à l’époque, même si progressivement, la milonga va changer de sens pour se rapporter au lieu où l’on danse et le tango va devenir le terme désignant la danse)
Des hommes s’exerçant dans les rue de Buenos Aires avant une soirée – wikipedia
Ce style de tango originel était bien plus insolent et provocateur que le tango dansé aujourd’hui même si certains danseurs contemporains se revendiquent encore de ce tango appelé tango canyengue.
Et si le tango partait visiter Paris ?…
Eh oui, c’est dans la capitale française que le tango va rencontrer son destin. Au début du XXème siècle, le tango commence à être adopté par les jeunes hommes des hautes familles qui souhaitent s’encanailler et séduire facilement. Toutefois, il leur est impossible de danser avec les femmes de leur milieu et c’est pendant leurs voyages initiatiques à Paris que ces jeunes hommes vont exporter cette danse. Dans la capitale culturelle européenne de l’époque, le tango est très vite apprécié, adopté puis devient le top de la mode. On danse le tango partout, son caractère un peu provocateur fait fureur et la danse gagne ainsi sa réputation. Bénéficiant de cette aura parisienne et européenne, le tango retourne en Argentine et en Uruguay où il finit par être accepté par les hautes classes de la société. Nouvel aller-retour culturel pour le tango donc, d’abord des blancs aux noirs et maintenant des Américains aux Européens.
Suite à cela et concomitamment à la crise de 29, le tango disparaît progressivement en Europe où il est intégré aux danses de salon traditionnelles.
Au contraire, il continue à perdurer et à se développer dans la région du Rio de la Plata : Nous arrivons à l‘âge d’or du tango, dans les années 40 et 50. Avec des chefs d’orchestre comme le célèbre Anibal Troilo, on compte plus de 600 orchestres de tango qui tourne en permanence à travers l’Argentine. Le chef d’orchestre Francisco Canaro serait même l’artiste ayant enregistré le plus de disques de tous les temps.
Le célèbre compositeur Anibal Troilo – wikipedia
Le tango démodé ?
Malheureusement, la mode du tango commence sérieusement à décliner à partir des années 60. Les jeunes découvrent le rock’n’roll, les Beatles monopolisent la scène musicale mondiale et la dictature militaire commence à enflammer le pays. Le tango subit tout cela et semble sombrer progressivement dans l’oubli… Ses belles années sont terminées…
Pas si sûr…
Un show de tango à Buenos Aires – wikipedia
En effet, on dit souvent que le tango a “sauté une génération”. À partir des années 1990, avec la fin de la dictature militaire, le tango revient sur le devant de la scène. L’instigateur de cette renaissance ? Un spectacle : Tango Argentino. Ce spectacle, après avoir connu un étonnant succès à Paris se lance dans une tournée dans toute l’Europe. Tous les danseurs redécouvrent avec étonnement ce qui fait l’essence du tango dit “argentin” qui s’était progressivement délayé en Europe avec les autres danses de salon pour donner le tango de salon. Improvisation, connexion entre les danseurs, création, le tango est impossible à saisir car chaque danseur en fait ce qu’il veut et le renouvelle en permanence. Fascinant de nouveau, le tango renaît de ses cendres en Europe et en Argentine. Les milongas, les bals et les spectacles fleurissent un peu partout. Buenos Aires gagne un rayonnement impressionnant : tout amateur de tango rêve d’y voyager pour découvrir une authentique milonga et étudier à l’Académie de Tango de Buenos Aires. Le métier de professeur de tango devient également très populaire en Argentine car il ouvre facilement les portes de l’Europe, friande de professeurs natifs de la capitale du tango.
L’ouverture du tango
Ces années de liesse que nous vivons encore aujourd’hui permettent, enfin, au tango de se moderniser. L’univers de la milonga lui-même change peu à peu. Il n’y a encore pas si longtemps que ça, la milonga était un univers très traditionnel, fermé, voire intolérant. Une tanda (une danse) entre hommes ou entre femmes était par exemple impensable, interdisant aux homosexuels de danser en couple par exemple. De même, les habitués des milongas ne toléraient pas les débutants ou les gens dont l’habillement étaient impropres (beaucoup de milongueros avaient effectivement des vêtement spéciaux pour la milonga). À tel point que si un débutant était repéré par les autres couples, tous se mettaient à l’encercler et à le serrer de plus en plus pour lui donner le moins d’espace possible. À la fin de la tanda, tout le monde fixaient alors le danseur “fautif”, qui n’avait d’autre choix que de quitter la piste.
Aujourd’hui, l’ambiance a bien évolué : Si dans certaines milongas, des danseurs sont parfois agacés par les débutants qui les gênent, la plupart des tangueros sont, au contraire, enchantés de voir de nouvelles recrues. D’autre part, le tango queer a littéralement révolutionné le tango. Originellement destiné à permettre aux homosexuels à danser entre eux, il a fini par créer un nouveau type de tango ou les deux membres du couple s’alternent pour mener ou suivre la danse. Et l’aventure du tango continue à se faire écrire chaque jour !
Aller, concluons cet article de la seule manière possible : en vidéo avec les champions du monde 2014 de tango escenario (la version plus acrobatique du tango) : Manuela Rosi et Juan Malizia Gatti, des porteños bien sûr, dansant dans l’atmosphère intimiste de la Bicicleta !
Vous voilà éclairer sur les grandes lignes de l’histoire du tango ! Reste plus qu’à vous ruer vers une milonga pour prendre vos premiers cours ! Attention cependant, cette danse est hautement addictive, vous voilà prévenus ! 😉
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